Il était une fois un géant technologique si puissant qu’il semblait inébranlable. En 50 ans, Intel a créé un empire, mais le dinosaure des microprocesseurs est dans les cordes. Affichant des pertes historiques, le titan de la Silicon Valley vit une période sombre. Comment expliquer ce déclin?
Too big to fail? L’histoire prouve parfois le contraire. La société Intel va-t-elle un jour rejoindre le cimetière des géants déchus? La question mérite d’être posée, tant la situation économique de l’entreprise américaine semble difficile. Retour sur la trajectoire de ce colosse aux pieds d’argile et sur les origines de la crise.
Chronique d’un excès de confiance?
Parfois accusé d’abus de position dominante, Intel a créé un empire, imposant son label «Intel Inside» sur la majorité des PC de la planète. Fondée en 1968, la société de Santa Clara reste dans la mêlée des acteurs technologiques jusqu’à la fin des années 80. Mais, dans les années 90, l’avènement des micro-ordinateurs va changer la donne et consacrer Intel comme le plus gros fabricant mondial de microprocesseurs et de circuits intégrés. On se souvient tous de la série Pentium et de la dynastie Core, qui équipait, entre autres, les premiers iMac d’Apple. Au fil des années, le groupe grossit et devient un géant incontournable. Au début du siècle, Intel règne presque sans partage sur une industrie florissante. Mais pendant que le colosse savoure sa position dominante, le monde change et le dinosaure de la tech rate certains virages décisifs.
Rendez-vous manqués
Premier échec? L’entreprise californienne loupe la révolution technologique du smartphone. Malgré sa proximité avec Apple, Intel est recalée par Steve Jobs pour équiper les iPhone, en raison de puces trop gourmandes en énergie. Un revers crucial, puisqu’Intel rate définitivement le train du mobile. Peu à peu, l’empire du colosse, trop lent et peu agile, commencer à s’éroder. La faute à une autre erreur stratégique: le groupe fabrique et commercialise ses puces, contrairement à ses concurrents (AMD et TSMC, entre autres) qui ne font que l’un ou l’autre. De plus, au sein de ses usines, Intel passe à côté d’une innovation technologique clé: la gravure par lithographie ultraviolet (EUV). Encore raté! Pareil pour la vague de l’intelligence artificielle. Pourtant bien placée, la société est doublée par Nvidia, nouvelle coqueluche de l’IA. Pire, en 2017, Intel refuse d’investir dans une jeune pousse… OpenAI. Désormais, quel avenir pour Intel?
Mesures drastiques et avenir incertain
Incapable de se réinventer, pénalisé par sa volonté de «tout faire», pas assez innovant, Intel a également dû faire face à des problèmes de qualité. Résultat? Sa situation est catastrophique… Cet été, son action a connu sa plus forte baisse depuis 1974, atteignant le plus bas niveau depuis 10 ans. Sans parler de pertes colossales, avoisinant les 16 milliards de dollars. Au même moment, ses concurrents brillent, en particulier Nvidia. Pour sauver les meubles, Pat Gelsinger, grand patron d’Intel, a annoncé, outre la séparation des activités, «la plus grande restructuration» depuis 40 ans, menant à des licenciements en masse. Lueur d’espoir, le gouvernement américain lui a lancé une bouée de sauvetage: un chèque de 8,5 milliards de dollars. La crise est donc réelle pour Intel, mais dans une époque aussi imprévisible, on ne pas exclure que le dinosaure se transforme, un jour, en phénix.